(Au cousin, qui aime se sentir visé à chaque fois que je parle de livres… 😛 )
Ma fascination par rapport au Kindle (voir l’article précédent) est au niveau philosophique: comment les gadgets naissent et évoluent en fonction des pratiques traditionnelles du public visée et de la notion qu’ils cherchent à remplacer / faire évoluer.
Le Kindle c’est un Newton. Apple avait pensé qu’en misant sur la reconnaissance d’écriture, le public adopterait le Newton comme carnet / agenda / outil de mobilité. Comme si le réflexe d’écrire permettrait une transposition directe vers le nouveau gadget. Or aujourd’hui, il ne se vend plus beaucoup d’agenda, ni de carnet d’adresses, et c’est le gadget mobile qui a gagné avec sa taille, sa synchronisation et ses capacités de communication «multimédia». Pas le Newton. Mais peut-être Apple.
(information inutile: le 5 janvier 2010, après 17 ans, votre Newton MessagePad ne sera plus vraiment fonctionnel.)
Le Kindle et autre liseuse e-Ink, c’est pareil, avec les limitations qu’avaient la reconnaissance d’écriture par rapport au «paradigme» du livre: mauvais feuilletage, noir et blanc, rafraîchissement de l’écran lent. Bref, on tente d’émuler un objet existant pour faciliter un transfert, mais on est soit trop tôt pour la technologie, soit sur la mauvaise piste.
Ce qui est fascinant, c’est que les détracteurs se serviront de ces faiblesses pour discarter cette approche et se cantonner dans le traditionnel modèle, comme certain l’on fait pour le Newton et la reconnaissance d’écriture, le CD ou le DVD. C’est l’argument facile et confortant pour refuser le changement.
Les plus brillants auront compris quand à eux que ce n’est pas le Kindle l’enjeux ici, mais bien le modèle de distribution qu’Amazon a réellement réussi à asseoir ici. À ce titre, je pense qu’on ne se trompe pas en rendant disponible le plus de contenus possibles sous forme numérique, pour «être là » lorsque l’outil (à être inventé) sera apte à faire le travail comme il faut. C’est ce que tout le monde dit aux éditeurs. Etre là .
Sur le «comment», je pense qu’il faut mettre en place des bases très universelles pour voir venir. Pour le reste, il faut être à l’affût. C’est inévitable, mais le gadget qui triomphera ne sera pas «un» Kindle.
Aux distributeurs et aux libraires, je demande simplement de se poser la question: que vendez-vous? que distribuez-vous? des objets, des contenus, des mises en pages, des lieux, des rencontres, des réseaux, des passions? qu’elles informations avez-vous que les éditeurs n’ont pas? qu’avez-vous à vendre aux éditeurs d’aujourd’hui et de demain? Parce qu’il faut prendre le problème à l’envers parfois pour trouver des pistes de réinvention… «bottom up» qu’ils disent…
Même question aux lecteurs, qu’avez vous à échanger avec votre «libraire»? simplement de l’argent contre du papier? des conversations? des relations? des réseaux?
(On finit par s’habituer à l’approche Clément de l’interpellation! 🙂 )