De «ceci n’est pas un livre»…

C’est une tablette (pas mal fier de celle-là!).

Cette semaine est particulièrement marquée par des discussions sur l’évolution du monde du livre. C’est un sujet intéressant, et mon entourage semble bien aimer en discuter (je dirais même en débattre), et comme j’aime mon entourage, je me lance… 🙂

livre, nom masculin
Sens 1: Objet constitué de l’assemblage d’un grand nombre de feuilles. Synonyme bouquin Anglais book
Sens 2: Contenu de cet objet.

Je suis bien content que la définition de livre puisse considérer le contenu d’un assemblage d’un grand nombre de feuilles comme étant un «livre». Mais je ne vois rien dans la définition qui parle de d’interactivité ou de multimédia, le livre et son contenu ont pour origine la feuille.

D’où mon inspiration pour ce billet sur iBooks Author, outil gratuit proposé par Apple qui permet de faire des iBooks Textbook ne pouvant être vendu que dans le iBook Store et ne fonctionnant que sur l’iPad (en iOS 5 uniquement). Je partage l’opinion de Clément sur le fait que bien des journalistes ont rapportés la nouvelle un peu simplement, mais selon moi allant d’un extrême à l’autre dans leur couverture (8e merveille du monde ou pire système evil et fermé ever). Malheureusement, pour le meilleur ou pour le pire, tout le monde à raison ici. Ma question reste simple: pourquoi les critiques sont-ils surpris ou déçus de tout ça? Ce sont ces réactions qui me surprennent.

Je ne pense pas qu’Apple, Microsoft, et autre compagnie informatique agissent hors de leurs objectifs d’affaires. Il n’y a peu de différences entre les iBook Textbooks et les App iOS. C’est le même modèle d’affaires, la même approche: on développe sur une plateforme qui donne accès à un magasin (aux critères d’entrées connus mais parfois subjectifs (les développeurs d’Apps vivent toujours avec la peur qu’Apple refusent leurs applications)). Cette approche «fermées» sur un système «fermé» dans un marché «contrôlé» a donné de belles innovations et de belles rentabilités, ça sera également le cas pour les Textbooks. Et ça n’empêche en rien qu’Angry Birds existe aussi sur Androïd (mais y fait beaucoup moins d’argent). Et que les «éditeurs» seront les premiers à sauter sur de nouvelles plateformes, celle-ci comme d’autres, s’ils y trouvent une fenêtre de rentabilité ou d’innovation (un majorité (?) l’ont fait au Québec au cours des dernières années, même si certains limitent encore leur distribution à certaines librairies, certains formats, ou un illusoire DRM… ce qui comme Martine le dit est souvent frustrant).

Sur l’ensemble des livres publiés au Québec en 2011, combien sont disponibles en numérique? (Clément?)

Tout ça n’empêche personne de faire mieux (je me demande d’ailleurs pourquoi personne ne l’avait fait avant!) en terme de forme, de format et d’ampleur. Sur l’iPad, comme sur d’autres plateformes.

Mais rien ne permettra (jamais?) de consulter un livre sur votre grille-pain. Ni de lire une cassette VHS sur votre lecteur DVD. Je sais, c’est scandaleux.

Revenons à mon étonnement sur les réactions…

D’un côté, je ne vois pourquoi Clément puisse affirmer qu’Apple est «maintenant» devenu un éditeur. Ils l’ont toujours été, au sens où il l’entend. D’ailleurs j’ignore si le mot éditeur s’applique encore ici, ou si ce n’est qu’une façon d’appliquer le modèle et le vocabulaire de la chaîne du livre à cette chose (le iBook Textbook) qui justement selon moi, n’est pas plus un livre que l’est une application iOS, un jeu vidéo ou un bon vieux cédéroms.

(Quelqu’un sait si la Loi du livre s’applique aux jeux vidéos? les bibliothèques doivent elles acheter leurs jeux vidéos dans des librairies accréditées?).

De l’autre côté, je ne comprends pas les «déceptions» qu’exprime Martin, on ne peut être déçu que si on a des attentes inverses et je ne vois pas trop comment on pourrait justifier économiquement ces attentes. Je ne vois pas beaucoup d’autres modèles pour faire évoluer l’industrie du matériel scolaire. Je ne vois même pas de compétiteurs capables de proposer un modèle qui va à la cheville de ce qu’Apple propose ici en terme de conception, de fonction, de diffusion et de ventes (on verra peut-être Microsoft copier la chose?). Étrange que les investisseurs derrière le superbe Inkling (une application propriétaire, permettant de l’utilisation de SmartBooks développés par l’entreprise, uniquement sur l’iPad), soit maintenant au côté d’Apple. J’ai vu dans les dernières années toute l’imagination qu’ont déployés les éditeurs scolaires (ceux du papier) pour tenter de prendre leur place dans cet univers (toutes leurs frustrations aussi de ne pas y retrouver le confort et les repères du modèle papier), ils n’ont pas le choix d’être admiratifs envers Apple, mais ils n’auront pas le choix de vivre selon les conditions qui ont permis d’en arriver là. Laisser 30% à Apple et vivre selon les limites proposées. Ils ont aussi le droit (et le devoir!) d’être admiratif quand d’autres solutions se présenteront.

Et moi, suis-je déçu, surpris, révolté? Non. Agréablement surpris par la simplicité de l’outils et la qualité du résultat, ayant de belles idées pour une version 2 (du social, de l’interaction imbriquée, etc.), c’est mon côté optimiste. Peut-être même «heureux» que contrairement aux Apps iOS, on puisse partager le produit fini sans passer par le BookStore (si gratuit). Mais c’est vrai que tout ça est fermé et propriétaire, et sûrement très « evil », comme Apple sait l’être… (Les attentes envers la gentillesse corporative m’étonnent toujours. Je crois dans les entreprises honnêtes et fiables, mais je ne crois pas vraiment dans leur «gentillesse» (tout en étant généralement gentil moi-même).)

(Vous me direz que je suis un disciple de Jobs, je vous répondrai que vous avez probablement raison, mais qu’en quinze ans dans le domaine, je n’ai vu personne proposer une solution aussi pertinente à l’évolution du matériel scolaire). Ceci dit, j’ai quand même des doutes sur l’ampleur qu’aura tout ça au final… la révolution prendra du temps, il y aura de solides barrières et de forts lobby… Je ne crois pas non plus qu’on obligera les écoles à acheter des iPad (j’imagine mal une organisation publique imposer une technologie propriétaire aux écoles! (hum, Microsoft, hum, tableaux blancs, hum… *soupir*).

(Avez vous remarqué qu’Apple.ca ne parle pas encore d’iBooks Author? Y’aura-t-il des partenaires québécois? canadiens?)

Je suis quand même en questionnement sur un point de la licence, portant sur l’étendue du mot «Work», si bien résumé dans l’analyse la plus complète que j’ai vu à date, sur le site Venomous porridge (et la suite…)

Yeah, but that only applies to .ibooks files. You can also export .pdf and .txt and those are unrestricted.
Not true. The license defines “Work” as “any book or other work you generate using this software.” That definitely includes PDF and plain text, and it could be construed to include the very words you type in. So if you use iBooks Author to write your novel, you might be legally barred from ever selling that novel in any format, not just as an iBook.

Ne tapez donc rien de nouveau dans iBooks Author, contentez-vous des copier/coller des trucs qui existent déjà. D’un côté bassement commercial, je comprends que ça empêche aussi les éditeurs de confier à d’autres la réalisation de leurs Textbooks, puisqu’il est contre-licence de céder commercialement les droits à l’éditeurs du produit fini. Donc, pas d’industrie de la sous-traitance pour la réalisation des Textbooks. Je n’y crois pas à terme, les avocats ont fait leur travail un peu rapidement ici…

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